Du sang pour dracula.
Comme je me penchais à la fenêtre,
mon attention fut attirée par quelque chose qui bougeait à
l'étage en dessous, un peu à ma gauche ; par ce que je savais
de la disposition des chambres, il me sembla que les appartements du comte
pouvaient se trouver précisément à cet endroit. La
fenêtre à laquelle je me penchais était haute, d'embrasure
profonde, avec des meneaux de pierre ; quoique abîmée par les
ans et les intempéries, rien d'essentiel n'y manquait. Je me redressai
afin de ne pas être vu, mais je continuai à faire le guet.
La tête du comte passa par la fenêtre de l'étage en dessous
; sans voir son visage, je reconnus l'homme à son cou, à son
dos, et aux gestes de ses bras. D'ailleurs, ne fût-ce qu'à
cause de ses mains que j'avais eu tant d'occasions d'examiner, je ne pouvais
pas me tromper. Tout d'abord, je fus intéressé et quelque
peu amusé, puisqu'il ne faut vraiment rien pour intéresser
et amuser un homme quand il est prisonnier. Ces sentiments pourtant firent
bientôt place à la répulsion et à la frayeur
quand je vis le comte sortir lentement par la fenêtre et se mettre
à ramper, la tête la première, contre le mur du château.
Il s'accrochait ainsi au-dessus de cet abîme vertigineux, et son manteau
s'étalait de part et d'autre de son corps comme deux grandes ailes.
Je ne pouvais en croire mes yeux. Je pensais que c'était un effet
du clair de lune, un jeu d'ombres ; mais, en regardant toujours plus attentivement,
je compris que je ne me trompais pas. Je voyais parfaitement les doigts
et les orteilles qui s'agrippaient aux rebords de chaque pierre dont les
années avaient enlevé le mortier, et, utilisant ainsi chaque
aspérité, il descendit rapidement, exactement comme un lézard
se déplace le long d'un mur.
Quel homme est-ce, ou plutôt quel genre de créature sous l'apparence
d'un homme ? Plus que jamais, je sens l'horreur de ce lieu ; j'ai peur...
J'ai terriblement peur... Et il m'est impossible de m'enfuir.